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Entre les 9e et 10e rues, l’apparence générale de la rue Edward à Hearst, s’est considérablement modifiée au cours des derniers mois. Les magnifiques saules qui, pendant des décennies, ornaient le parc avoisinant l’hôtel de ville ont dû être coupés et remplacés par une jeune plantation. D’ici quelques années, nous pourrons à nouveau admirer de très beaux arbres dans ce parc. Et c’est tant mieux! Ils voileront ainsi l’espace béant laissé par la démolition d’un des plus vieux édifices de Hearst : l’ancienne école Sainte-Thérèse.

Ce n’est pas sans un pincement au cœur que plusieurs des personnes ayant fréquenté cet édifice comme élèves ou comme membres du personnel enseignant et administratif l’ont vu tomber. N’y ayant ni étudié, ni travaillé, c’est d’abord comme citoyenne que je m’attriste devant la disparition de ce monument de l’histoire franco-ontarienne de Hearst. Mais c’est aussi mon cœur d’historienne qui s’en désole, puisque mes études doctorales m’ont amené à étudier la naissance du système scolaire francophone catholique de Hearst et la construction de sa première école : l’école Sainte-Thérèse.1

Au printemps 1929, lorsque la commission scolaire entreprend la construction de l’école Sainte-Thérèse, le village de Hearst évolue toujours dans le contexte de colonisation caractéristique du nord de l’Ontario. Dans ce petit village, sans riches propriétaires fonciers, les revenus des taxes scolaires demeurent relativement bas.L’histoire de la construction de l’école Sainte-Thérèse témoigne des très grandes difficultés rencontrées par les francophones du Nord, dans leurs efforts pour offrir à leurs enfants une éducation catholique de langue française, dans des locaux adéquats.

Dès le début, Mgr Joseph Hallé, vicaire apostolique (évêque) du diocèse de Hearst, appuie de diverses façons ce projet. Le terrain où l’on construit l’école appartient à l’évêché qui l’offre gratuitement à la commission scolaire. Et on confie la « superintendance » de la construction à l’abbé Zoël Lambert, bras droit de Mgr Hallé.

La crise économique des années 1930 et la grande misère qui suit s’amorcent avant la fin de la construction de l’école. Incapable d’obtenir l’appui financier gouvernemental sur lequel elle comptait, la commission scolaire se tourne à nouveau vers le vicariat apostolique. Ce dernier réussit à emprunter l’argent nécessaire pour financer la construction de l’école Sainte-Thérèse (plus de 21 000 $ en 1929, soit plus de 295 774 $ en dollars américains d’aujourd’hui).En raison de la crise économique, le vicariat apostolique et la commission scolaire auront énormément de difficultés à s’acquitter de cette dette.

La démolition de l’école Sainte-Thérèse efface à tout jamais une partie de notre patrimoine bâti. Il aurait pourtant pu en être tout autrement! On a souvent tendance à affirmer que la rénovation de ce genre d’édifices est beaucoup trop dispendieuse, qu’il vaut mieux démolir et construire à neuf. En réalité, de telles affirmations sous-entendent surtout que c’est beaucoup plus simple de démolir pour construire en neuf. Certes, rénover coute très cher, mais ce n’est pas plus dispendieux que de construire à neuf. Cependant, la rénovation demande habituellement plus d’efforts. C’est plus compliqué!

Pourtant les gens du quartier Côte de Sable à Ottawa l’ont fait en convertissant l’édifice ayant abrité l’école Guigues, symbole à Ottawa de la résistance au Règlement XVII. Devenu le Centre de services Guigues, cet édifice rénové offre maintenant « des services  de soutien communautaire et des activités socio-récréatives en français aux personnes aînées de même qu’aux adultes ayant une incapacité ».Plus près de nous, à Smooth Rock Falls, on a transformé l’ancien hôpital pour en faire le Centre de désintoxication du district de Cochrane. Et plus récemment, l’Université de Hearst a rénové les locaux autrefois occupés par l’évêché de Hearst pour y établir le Centre d’archives de la Grande Zone argileuse. Dommage que des options de ce genre n’aient pas été explorées avant de démolir l’école Sainte-Thérèse.

Avec sa démolition, un autre édifice patrimonial est disparu… L’école avait 86 ans et se nommait Sainte-Thérèse parce que l’un de ses fondateurs, Mgr Hallé, vouait une dévotion toute spéciale à cette sainte. Dommage que la communauté de Hearst, qui se félicite généralement de son dynamisme et de son esprit d’initiative et d’innovation, n’ait pas fait d’efforts pour préserver ce patrimoine bâti.

Sources :

  1. Coulombe, Danielle. Coloniser et Enseigner : Le rôle du clergé et la contribution des Sœurs de Notre-Dame du Perpétuel Secours à Hearst. Hearst, Le Nordir. 1998.
  2. Ibid, p. 126.
  3. Dave Manuel, « Inflation Calculator » page consultée le 15 septembre 2015, http://www.davemanuel.com/inflation-calculator.php
  4. Centre de services Guigues, « Notre mission » page consultée le 11 septembre 2015, http://www.centresg.ca/a-propos/notre-mission/

Photos:

École Sainte-Thérèse : Album souvenir du cinquantenaire de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, Hearst, 1969, p. 37.

Démolition : Ronald et Diane Richard

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