25 février 2013
Au printemps dernier, le gouvernement fédéral annonçait de nombreuses compressions budgétaires au sein de la fonction publique et procédait, par le fait même, à l’élimination d’une série de bibliothèques et services d’archives de ses ministères et ses agences.
Bibliothèques et archives Canada (BAC), le service d’archives fédéral tenant records gouvernementaux et historiques, fut l’un des services les plus touchés par les récentes réductions. Conséquemment, la capacité du Canada à acquérir et à préserver ses documents historiques fut largement réduite.
BAC reçu l’annonce en 2012 que plus de 20% de sa force de travail serait licencié, chiffre représentant plus de 450 personnes. De ce nombre, environ 20 des 60 archivistes qui s’occupaient uniquement des records non gouvernementaux perdaient aussi leurs emplois. Le personnel responsable de la circulation des documents à Bibilothèque et archives Canada était aussi largement réduit puisqu’on éliminait le service de prêts entre bibliothèques (PEB).
Sur la photo, on aperçoit le siège de Bibliothèque et archives Canada, situé au 395, rue Wellington, à Ottawa.
Selon le syndicat de l’Alliance de la fonction publique du Canada, les coupures seront désastreuses pour l’avenir du patrimoine archivistique canadien. Il est dit que BAC a plusieurs milliers de documents historiques qui demeurent toujours inaccessibles aux Canadiens et Canadiennes faute de ressources pour en faire la préservation adéquate. La Société historique du Canada (SHC), organisation créée en 1922 aux fins de la promotion de la recherche historique et de l’érudition, estime que BAC doit maintenir comme priorité la préservation de l’intégralité du patrimoine documentaire du Canada. La SHC, qui regroupe historiens, étudiants diplômés, chercheurs et départements d’histoire, croit également que le BAC doit continuer à offrir une gamme complète de service afin de faciliter la recherche historique.
Les compressions budgétaires de 2012 ne sont pas les premières. À l’été 2007, l’administration de BAC réduisait considérablement les heures de service à son bureau central, ce qui encouragea divers groupes d’intérêts à se mobiliser. Les groupes, composés d’historiens, de généalogistes, de bibliothécaires, d’universitaires ainsi que d’écrivains professionnels, demandèrent le rétablissement du service et exigèrent d’avoir des consultations publiques à ce sujet. Après multiples rencontres, BAC offrait deux concessions aux groupes d’intérêts, soit la promesse d’une révision des heures de service et la création d’un nouvel organisme nommé le Conseil consultatif sur les services (CSS). Le CSS était composé de la clientèle variée de BAC qui pouvait dorénavant partager ses préoccupations directement à l’administration. L’avenir du CSS est néanmoins rapidement laissé en suspend lorsque la haute direction de BAC est modifiée en 2009.
Parallèlement, BAC lance sa nouvelle politique de modernisation basée sur de nombreux projets de numérisation des documents et alloue le transfert de ressources vers la production de documents numériques. La SHC riposte en insistant sur le fait que la numérisation, bien qu’importante, ne peut aucunement remplacer le besoin d’un service sur place. La société estime que la consultation des documents sur papier devait aussi être encouragée par BAC sans quoi plusieurs chercheurs, dont les historiens, seraient incapables de continuer à faire de la recherche sans accès à leurs sources. En 2010, Graig Heron, historien et alors président de la SHC, écrivait :
- “Dans la tradition des archives nationales de partout au monde, à laquelle BAC et ses précurseurs ont toujours adhéré, tous les documents d’importance nationale doivent être réunis dans un dépôt d’envergure où ils pourront éventuellement être utilisés par les générations futures. L’abandon de cette pratique de diversité de notre patrimoine documentaire enfreint cette tradition bien établie”.
La situation se complique avec l’annonce des coupures en 2012. Alors que BAC avait auparavant justifié ses compressions en mettant l’accent sur la numérisation du matériel archivistique, BAC devait maintenant réduire de 50% le personnel affecté à la numérisation, laissant les collections nationales dans un état incertain, et ce, en l’absence de consultation avec les divers groupes d’archivistes au pays. D’ailleurs, croyant que BAC n’avait pas rempli son mandat de répondre aux besoins et aux intérêts archivistiques au pays, l’association canadienne des archivistes (ACA) se retire du réseau pancanadien du patrimoine documentaire de BAC au printemps 2012. Selon les estimations de BAC, moins d’un pour cent des collections ont été numérisées à ce jour.
Déjà, la politique de modernisation ne faisait pas l’unanimité. L’Association canadienne des professeures et des professeurs universitaires (ACPPU) estime que le processus décentralise grandement la collection nationale. En plus d’une réduction de l’accès physique aux documents, ACPPU croit que la qualité des collections de BAC est dorénavant comprise en raison de la réduction du budget d’acquisition. L’ACPPU lance en 2012 la campagne Sauvons Bibliothèque et Archives Canada pour contrer les récents changements à BAC. Voici la perspective de l’historien sur la crise archivistique au pays :
Source (texte) : 1. Note de la SHC sur les nouvelles orientations de Bibliothèque et archives Canada (www.cha-shc.ca); Les enjeux (www.sauvonsbiblioarchives.ca/enjeux).
Source (photos) : Wikipédia; pour la photo de BAC, Padraic Ryan.