11 novembre 2015
Chère mariée de guerre!
par Linda Fillion Pope*
La guerre de 1914 ravage l’Europe. Une guerre de tranchées qui durera près de cinq ans et qui changera à jamais la destinée de nombreuses femmes : les mariées de guerre!
Marthe Oblin nait à Bertry (France), le 20 janvier 1899. Elle perd son frère Charles durant la Première Guerre et devient l’aînée de trois filles. Quand on est jeune, sans lendemain, le Canada, c’est la grande aventure, quoi! La guerre lui fait faire la rencontre de Louis Ladislas Fillion, soldat canadien. Le coup de foudre!
Le 25 avril 1921, à Bertry, Marthe Oblin épouse Louis Fillion. Le samedi 21 mai 1921, c’est le départ du Havre pour New-York, sur le bateau “LaFayette”. Et puis, arrivés à Montréal, on continue pour se rendre à Hearst. En 1922, Louis amène Marthe s’installer à Mattice. Ce n’est alors qu’un pauvre petit village avec une cinquantaine de familles, sans électricité, ni eau courante, sans route ni trottoir; les hivers y sont longs, c’est le bout du monde, un choc pour la petite Française. Où est passée la grande aventure, la grande romance? Une vie dure l’attend. Un mari toujours parti, soit à la chasse ou trapper et ensuite attiré par des explorations minières ou emplois divers. Et puis neuf grossesses dont six survivent à ce nouveau pays.
Il y a les larmes, les déceptions, les regrets… «Pour le meilleur et pour le pire»… un pays étranger, un Ontario où on doit apprendre l’anglais. Les années passent et le temps n’attend pas. On refoule sa peine, on endure. Après tout une femme doit être soumise, et le bonheur tant rêvé on l’oublie peu à peu au fil des ans et des enfants.
Marthe Oblin Fillion se débrouille; elle cuisine, devient couturière, vend des produits de beauté, garde des enfants — rien ne l’arrête. Elle gagnera ses propres sous.
Marthe Fillion est décédée le 12 mai 1976, à Mattice, dix ans après son époux. Un sourire, un courage, une vie… éphémère.
*Linda Fillion Pope est la petite-fille de Marthe Oblin Fillion. Ce texte a été publié dans la revue Femmes d’Action et est reproduit avec la permission de l’auteure.
Sources:
Photo : Thérèse Fillion
Linda Fillion Pope, «L’exil de Marthe Oblin», dans Femmes d’Action, mai-juin 1986, p.20.
