4 avril 2017
Maurice Saulnier, pour la majorité des gens, c’est un des bâtisseurs du Collège de Hearst. Il a oeuvré pendant plus de 40 ans dans cette institution qu’il a fini par quitter pour retourner vivre ses dernières années paisiblement vers « La Terre des Miracles (Québec) », comme il aimait l’appeler, se rapprochant ainsi de la parenté. Il est facile et tout à fait approprié de le percevoir comme un personnage plus grand que nature qui en a inspiré plusieurs, que ce soit comme directeur spirituel, bibliothécaire, thérapeute, professeur. Mais qui était Maurice Saulnier, l’homme?
Pour bien comprendre l’essence de l’homme, il faut retourner à l’enfance, à Val Côté où il est né. Né le 6 janvier 1926 d’une famille de huit enfants, il fréquenta l’école primaire de Val Côté de 1932 à 1940. Sa vocation religieuse, selon lui, était déjà commencée, car sa mère, alors qu’elle était enceinte, priait Dieu pour qu’il soit un garçon et qu’il devienne prêtre. En effet, comme il le disait, de façon très respectueuse à l’endroit de sa mère : « Quand on a la Foi catholique pure, peut-on concevoir un plus grand bien que celui-là pour son fils? ». (Saulnier, M. 1997, p. 62) C’est dire que son chemin était pratiquement tracé d’avance. Plus tard, il entre au Collège des Jésuites (de 1940 à 1947) où il est considéré comme un étudiant modèle. C’est à ce moment-là qu’il découvre sa vocation de « raison et de générosité », telle que qualifiée par le Père Demers (Jésuite) lors d’une « retraite de décision ». Car Maurice, disons-le, n’avait pas entendu l’appel de Dieu comme ses collègues de classe. Il décide donc, « par un choix libre et informé … de devenir prêtre par générosité » faute d’avoir la vocation sacerdotale. (p. 63) Puis, ce fut le séjour au Séminaire Universitaire d’Ottawa dirigés par les Oblats. Pendant quatre ans, il fut entouré « de soutanes noires » qui lui parlent de la grandeur de la prêtrise et qui enlèvent tout doute quant à sa décision de devenir prêtre. Après tout, « en douter serait douter de la capacité de la grâce de Dieu qui ne demande pas mieux que de faire des miracles…» (p. 64) Plus tard, il dira : « Dans l’Église catholique, on croit que la vocation est un appel de Dieu. Pour moi, aujourd’hui ce qu’on appelle vocation n’est qu’un endoctrinement subtile ». (p. 62)
Après ce séjour, il est nommé vicaire à la cathédrale avec résidence à l’Évêché de Hearst où sa formation religieuse se poursuivra jusqu’en 1954, date d’ouverture du Séminaire de Hearst. L’Évêque de l’époque lui demande alors de devenir directeur de cette nouvelle institution. C’est dans cette dernière qu’il occupera plusieurs postes et fonctions. Mais, ce qu’il préférait c’était l’enseignement : « Ces quarante années d’enseignement furent la source de mon bonheur. Quand je fermais la porte pour commencer une classe, je me sentais heureux. Je garde donc un excellent souvenir de mes étudiants. J’adore les revoir et entendre parler d’eux ». (p. 64)
Pendant plus de quinze ans, il suit un régime de vie des plus sévère. Les exigences du travail de direction, d’enseignement, de surveillance, en plus de toutes ses autres tâches (conférences, aumônier des Soeurs et d’un Institut Séculier, messes à 6h15 le matin, lecture du bréviaire jusqu’à 1 heure du matin) ont eu raison de lui. Les problèmes de santé débutent et l’affligeront jusqu’à son décès en 1997. L’année 1960 fut sans doute l’année la plus difficile sur le plan de la santé. Totalement épuisé, il dût s’arrêter et c’est alors qu’il vit l’occasion de se reposer en se faisant construire un modeste chalet qui, selon lui, lui aurait sauvé la vie.
Importante remise en question
C’est au cours des années 1968 à 1974 que sa remise en question a véritablement débuté, mais cette remise en question lui a causé des tourments voire des divergences importantes avec l’Évêque de l’époque. « Je découvrais [que les croyances religieuses] ne reposent sur rien, qu’elles sont sans aucun fondement et que je les faisais miennes, uniquement parce qu’on m’avait dit que c’était la vérité. Ce qui est pis, je n’osais pas les remettre en question. Je les acceptais sans preuves, même si je voyais bien que plusieurs d’entre elles n’avaient aucun bon sens. On me disait que c’était des mystères qu’on ne pouvait pas comprendre, [mais] qu’on devait croire quand même. Et moi, je les ai crus sur parole. Mais, quand on se met à réfléchir, tout change. À mon avis, l’intelligence commence avec l’esprit critique ». (p. 66) C’est à ce moment-là que son enseignement religieux commence à changer. Il enseigne la doctrine de l’Église, mais « confrontée aux idées adverses ». Malgré les mises en garde de l’Évêque, il poursuit sa voie.
Vers la fin des années 70, il éprouve à nouveau des sérieux problèmes de santé. C’est à ce moment précis qu’il décide de changer de cap et d’entamer des études de maîtrise à l’Université Saint-Paul où il y avait deux heures de thérapie personnelle en groupe. « Il se passa là des choses merveilleuses pour moi. Je revisai toute ma vie. Il me fallait du changement ». (67) En 1982, il reviendra à Hearst un homme renouvelé. Animateur de sessions de groupes, thérapeute, professeur à l’Université de Hearst, toutes ces activités deviendront sa passion jusqu’en 1990 où il devra quitter l’Évêché et se procurer un petit logement. Finalement, c’est à l’âge de 65 ans, en 1991, qu’il décidera de quitter Hearst pour aller vivre à Terrebonne où il y bâtira sa maison. Il y trouvera la paix et le bonheur.
Au terme de la première partie de sa vie, force est de reconnaître que Maurice Saulnier a cru pendant un long moment de sa vie (40 ans) qu’il était heureux. Il ne souhaitait pas mieux, comme il le pensait à cette époque. Prêcher, enseigner, voilà ce qui était important pour lui. Toutefois, on peut affirmer, sans peur de se tromper, qu’il est véritablement devenu un homme libre et heureux seulement vers la fin de sa vie. L’intelligence du coeur fut sa bouée de secours.
Sur une note plus personnelle, je dirai que Maurice Saulnier fut mon patron, mon mentor, mon ami. Sans lui, ma vie aurait pris un tout autre tournant. Je lui en serai éternellement reconnaissante.
Johanne Morin Corbeil
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Sources :
1. Morin-Corbeil, J. (1991). Maurice Saulnier : Portrait. Entretemps, v. 1, no 2 : 3
2. Saulnier M. (1997). Une famille en mouvement : Félix Saulnier + Olivine Guimond et leurs enfants. Terrebonne, Québec : Maurice-Saulnier
Photo : Fonds Université de Hearst.